La trilogie Steelers-Ravens de 2008 (3/3)La saga

Miroir, mon beau miroir...
Miroir, mon beau miroir...
le 28/12/2016 à 19:20 par Tili

Cette année, la NFL instaure le Free Game Friday : chaque vendredi, elle partage d’anciens classiques en intégralité sur sa chaîne Youtube. Ambiance Retour vers le Passé. En octobre, dans le cadre de cette initiative, l’AFC Championship 2008 émerge. Un rendez-vous épique où Steelers et Ravens s’affrontent pour la troisième fois de la saison. L’occasion de se remémorer les fondations de l’Âge d’Or d’une rivalité incontournable. Quoi de plus approprié qu’un triple article pour rendre hommage au concept de trilogie ?! Par conséquent, bienvenue dans ce dossier en trois parties, où il sera question de la saga dans la troisième.

 

 

D’un tournage tumultueux, riche en testostérone et en frictions, résulte une œuvre culte. Pas de Bons, que des Brutes et des Truands. Deux Armées de Onze Défenseurs en Colère. Déconseillée aux âmes sensibles et aux fans d’orgie offensive, la saga est réservée à un public averti.

 

ÉPISODE 1 :
SEMAINE 4, MONDAY NIGHT FOOTBALL, RAVENS (2-0) @ STEELERS (2-1)

Face aux Ravens, les Steelers restent sur quatre défaites lors des cinq derniers matchs. Mais ils n’ont perdu à domicile qu’à une reprise depuis 2002. Confiants, ils abordent ce premier rendez-vous en tant que favori. Leur défense émerveille en dépit d’une défaite en semaine 3 imputable à l’attaque, qui souhaite ne pas répéter pareille performance. Elle se remet d’une après-midi éprouvante passée entre les mains de Jim JOHNSON et ses sbires. Problème : ceux de Rex RYAN se sont montrés davantage redoutables jusque-là. Les Ravens, invaincus, vont disputer leur troisième duel de division consécutif. Joe FLACCO s’apprête à vivre son baptême du feu à Heinz Field. Il pourra compter sur sa défense pour l’épauler. Celle-ci s’adapte à la vie sans un Kelly GREGG dont elle espère toujours la guérison ; Justin BANNAN le remplace convenablement pour le moment. Les deux sorties au M&T Bank Stadium tournent à la démonstration et augurent d’un retour aux standards d’antan. Confirmera-t-elle sur la route, surtout après la perte de Dawan LANDRY et avec l’indisponibilité prolongée de Samari ROLLE ? Si Baltimore voit sa secondary amputée de moitié, Pittsburgh a du répondant au jeu du « Qui a le plus de blessés ? ». En effet, la ligne ne compte qu’un titulaire disponible en l’absence de Brett KEISEL et Casey HAMPTON. Une aubaine pour les visiteurs, à qui s’offre la perspective d’insister au sol pour exploiter la situation et soulager leur quarterback juvénile.

Une levée auréolée du prime time. Un test grandeur nature d’une importance cruciale pour chaque camp. L’occasion pour l’un de consolider son statut en AFC North en remettant à sa place un concurrent trop entreprenant, l’occasion pour l’autre de s’étalonner face à un candidat déclaré au Graal. Dans une conférence chamboulée par la blessure de Tom BRADY, tous les espoirs sont dorénavant permis.

            Piège d’Acier

Le coup d’envoi annonce la couleur : une énorme collision blesse le linebacker remplaçant Andre FRAZIER. Passé le long drive inaugural où ils concèdent un field goal, les corbeaux survolent complètement les débats. En mode imperméable, ils autorisent 15 yards lors des six suivants. En conséquence, ils récupèrent la position sur le terrain et placent les Steelers sous pression. Ils n’en sortent pas indemnes. Leur défense alterne fulgurances et possessions primées.

Les minutes défilent. Les convives sont en totale maîtrise. Le dénouement semble inéluctable. Du moins, le croit-on. Survient alors le tournant.
Q3, 5:49, 1st&10, PIT 33, ballon Steelers, 13-3 Ravens. Le receveur Nate WASHINGTON hérite d’un jeu renversé. Bloquant pour lui, Hines WARD pose les mains sur Jarret JOHNSON à la fin d’une course qui rapporte 8 yards et amène ceux impliqués en touche. Le linebacker, sûrement agacé par les provocations répétées du numéro 86, le bouscule tandis que l’action est finie. Résultat : 15 yards de pénalité pour faute personnelle. Le coup de sang coûte 23 yards aux siens, soit environ le double de ce qu’ils accordent depuis trente minutes. Trois jeux plus tard, l’attaque de Ben ROETHLISBERGER sanctionne un blitz en troisième-et-4 et la voilà dans l’en-but. Le jeu qui suit, LaMarr WOODLEY recouvre un fumble dû à un sack de James HARRISON et le voilà également dans l’en-but. De -10 à +4 en 15 secondes. La dynamique s’inverse brusquement. 17-13 Steelers.

Les maîtres des lieux prennent le contrôle des évènements. Menant 20-13, la victoire ne peut plus leur échapper. Du moins, le croit-on. À l’issue d’un drive rondement orchestré, le rookie-aux-allures-de-vétéran-au-bout-de-deux-matchs-et-demi Joe FLACCO et ses alliés parcourent 76 yards en 5 minutes 17 et égalisent. L’intrigue s’épaissit. Ses compagnons forcent un punt. Les Ravens ont maintenant le ballon de la gagne sur leurs 13 yards, avec 1 minute 40 et un temps mort pour manœuvrer. Résolu à faire durer le suspense, le rideau de fer envoie tout le monde en prolongations. Baltimore remporte le tirage au sort. Comme précédemment, les espoirs d’arracher la victoire se heurtent à un mur. Un three-and-out de -3 yards habilite Big Ben à revenir sur ses 43 et à aller chercher le field goal libérateur. 23-20, score final.

Sacks, touchdown défensif, goal-line stands… Un véritable récital pour les amateurs du genre. Altercations, échauffourées, dérapages… Une authentique bande-annonce des épisodes à venir. Un premier acte intense, engagé, à la frontière de la régularité. Un choc frontal assené par Ray LEWIS envoie le running back rookie Rashard MENDENHALL aux soins toute l’année pour une épaule fracturée. Un bloc vicieux d’Hines WARD sur Ed REED, célébré avec exubérance, ravive les mauvais souvenirs du Monday Night 2007. La pénalité à l’encontre de Jarret JOHNSON sème la discorde. Des allégations de contrats sur la tête de certains éclosent par presse interposée. Au terme d’un combat de poids lourds qui se rendent littéralement coup pour coup, les Ravens acquièrent néanmoins de la légitimité et leur prestation sportive leur vaut la reconnaissance nationale. Les Steelers, quant à eux, réaffirment leurs ambitions.

 

ÉPISODE 2 :
SEMAINE 15, STEELERS (10-3) @ RAVENS (9-4)

La visite à Heinz Field marque le début d’une série de trois défaites contre des prétendants. Les violets passent temporairement dans le négatif. Ils exploitent par la suite un agenda plus clément. Sept victoires en huit semaines, ils rebasculent dans le positif. Et se replacent dans la division, puisque deux défaites des noirs et jaunes les freinent. À noter durant ce laps de temps : Ravens et Steelers perdent contre les frères MANNING. D’un côté comme de l’autre, la défense brille et supporte une attaque dans la moyenne basse, parfois proche de l’indigence. Malgré la perte irrémédiable de Kelly GREGG et Chris McALISTER, celle de Rex RYAN concède plus de 13 points à seulement deux reprises. Malgré les pertes ponctuelles, celle de Dick LeBEAU n’a pas accordé au-delà de 290 yards à un assaillant. Les éléments sont réunis pour faire de ce retour une rixe des tranchées. Avec une victoire, les hommes de John HARBAUGH reviendraient à égalité en tête d’une AFC North qui se règlerait plausiblement au tiebreaker les deux dernières journées. Avec une victoire, les hommes de Mike TOMLIN s’adjugeraient la division ; ils aspireraient ensuite à la bye et à la tête de série numéro un. Inversement, dans le pire des scénarios, le vaincu compromettrait sa participation aux playoffs. Effectivement, grâce à un calendrier complaisant, Colts (10-4), Dolphins (9-5), Patriots (8-5) et Jets (8-5) risquent de fixer la Wild Card à 11-5. Outre le désir de réparation pour Baltimore et de suprématie pour Pittsburgh, il s’agit d’assurer sa survie pour éviter de possibles vacances anticipées. Face aux Steelers, les Ravens n’ont plus perdu à domicile depuis 2002. Ils endossent ainsi le costume de favori.

            60 Minutes pour survivre

Le début est une bataille de position. Les Ravens retournent le coup d’envoi jusqu’à leurs 39 yards et apposent d’entrée leur empreinte. Pas impressionnés, les Steelers répondent par un three-and-out. Acculée, leur attaque gratte tant bien que mal un first down avant de punter. Baltimore démarre à nouveau avec une position favorable. Le schéma perdure tout le quart-temps ; les Ravens grappillent quelques yards de position sur unités spéciales. Sous les coups de boutoir répétés, les Steelers cèdent trois points.

Le ton monte d’un cran.
Q2, 11:24, 3rd&1, PIT 29, ballon Steelers, 3-0 Ravens. Une course plein centre hume à peine la ligne des 30 et est indéniablement stoppée net… sauf pour les arbitres. Ils la gratifient d’un spot généreux synonyme de second souffle. Tellement généreux que le banc s’empresse de le challenger. Les ralentis prouvent qu’aucune partie du running back Gary RUSSELL, de la tête aux épaules en passant par les jambes, n’accroche la ligne des 30. Revisionnage à l’appui, le verdict tombe : « La décision est maintenue ». La stupéfaction et l’incompréhension des commentateurs n’ont d’égal que la bronca des tribunes. Les Ravens perdent injustement de précieux yards compte tenu de la physionomie. Ils perdent même plus. Ben ROETHLISBERGER et consorts profitent du momentum pour avaler l’espace et égaliser. 3-3.

Longtemps cantonnés à la touche, James FARRIOR et ses partenaires peinent à se remettre dans le rythme. En 15 jeux et 4 minutes 55, l’avance initiale est rétablie. 6-3, la morale est sauve. S’installe une partie d’échecs sous forme d’échanges d’amabilités défensives. Les escouades lâchent 40 yards en cumulé sur les onze séries suivantes.

Le match bascule pendant l’une d’elles sur un jeu défensif, anodin sur l’instant, fondamental en définitive, réalisé par… un lineman offensif.
Q3, 7:41, 1st&10, PIT 1, ballon Steelers, 6-3 Ravens. Recroquevillés, les Steelers cherchent à respirer, d’où une slant. La couverture off aide Santonio HOLMES à s’emparer du ballon avec plusieurs mètres devant lui. Alerte, son vis-à-vis Samari ROLLE restreint le gain. Mieux : le plaquage provoque un fumble qui, comme couramment dans ces cas-là, tombe dans les mains d’Ed REED sur les 16. L’offensive tackle Max STARKS surgit tel un missile et amène le safety au sol avant qu’il esquisse le moindre mouvement. L’heure pour la défense opposée de cuisiner une recette au goût amer. Prenez une pincée de plaquage d’Aaron SMITH, ajoutez une dose de plaquage de Larry FOOTE, saupoudrez avec un blitz ignoré de Lawrence TIMMONS et vous obtenez une soupe à la grimace idéale pour refroidir l’atmosphère. Ou comment métamorphoser sept points en trois avec un énième three-and-out. Les Ravens manquent une double occasion d’inscrire un touchdown. Deux coups de grâce potentiels se modifient en source d’espoir pour les invités. 9-3 Ravens.

La rareté des points n’empêche pas l’écart de se stabiliser à une possession jusqu’à cinq minutes de la fin. La tension grimpe. Elle est palpable. Les Ravens répondent au long drive qui vient de permettre aux Steelers de revenir à 9-6 par leur propre long drive capable de clore les débats. 4:28 au chronomètre, troisième-et-8 sur les 27 adverses et revoilà Lawrence TIMMONS. Sur une séquence caractéristique du zone blitz, il presse. La confusion créée par la couverture et son efficacité ralentissent Joe FLACCO. Conséquences : sack, fumble, perte de 14 yards et punt au lieu de field goal.

La bande de Bruce ARIANS entre en piste pour la quatrième fois dans ses 10 ; les trois précédentes se soldent par deux punts et un fumble perdu. Précisément, 92 yards la séparent de la terre promise. Plus que 3:36. Mission impossible face au chaos organisé ? Ou éternité pour un quarterback expert en remontées fantastiques, compétence démontrée en semaine 4 ? Le couperet s’abat 2 minutes 53 et un touchdown litigieux plus tard. Les Ravens ne conservent pas l’avance. Encore. Sur l’extra point, une faute personnelle du kicker Jeff REED recule l’engagement de 15 yards ; les locaux atteignent leurs 47 sur le retour. Avec deux temps morts et 0:40. Mission impossible face au zone blitz ? Ou éternité pour un quarterback peu expérimenté, doublement défaillant lorsque placé dans circonstances analogues en semaine 4 ? Réponse sans appel 32 secondes et une interceptionInterception
passe du QBQuarterback
c'est le stratège de l'équipe. Il décide des tactiques avec ses coachs. Il est chargé de transmettre la balle à ses coureurs et de distiller les passes à ses receveurs.
rattrapée par un défenseur (un adversaire).
plus tard. Les Steelers conservent l’avance. Encore. Ultime chance, deux temps morts, trois points de retard, Ben ROETHLISBERGER pour Santonio HOLMES, pointes de pieds, réception d’équilibriste, droit de réponse pour l’adversaire, avancée probante, turnover assassin… Un flash prémonitoire du Super Bowl XLIII. 13-9, score final.

Défense qui craque, opportunités manquées, interventions arbitrales discutables… L’horreur pour les uns. Défense qui pose un clinique, actions décisives dans les moments chauds, AFC North entérinée par un sweep du rival chez lui le privant presque des playoffs… L’extase pour les autres. Turnovers, stops en zone rouge, gros jeux, animosité, indécision… Un match irrespirable. Côté Steelers, à peine le temps de célébrer et panser les plaies que se profile un déplacement chez des Titans peut-être plus physiques. Avec en jeu pour les deux équipes la tête de série numéro un. Côté Ravens, à peine le temps de ruminer et polémiquer que se profile un déplacement chez des Cowboys désireux de fêter la clôture du Texas Stadium. Avec en jeu pour les deux équipes la sauvegarde des espoirs de post-saison.

 

ÉPISODE 3 :
SEMAINE 20, AFC CHAMPIONSHIP, RAVENS (11-5) @ STEELERS (12-4)

Vous avez aimé le NFC Championship 2013 entre Seahawks et 49ers ? Ennemis intimes, défenses monstrueuses, suspense, grabuge… ? Voici l’équivalent, probablement en mieux, notamment parce que les « zèbres » ne sabotent pas la soirée. Deux matchs définissent le conflit Steelers-Ravens : le Sunday Night 2010 et celui-là. Ici, jamais les enjeux n'ont été si élevés, avec un billet pour le Super Bowl sur le tapis. Pittsburgh tient son sweep au terme de rencontres au couteau décidées sur le fil, alors que Baltimore fait la course en tête la plupart du temps. Les Ravens souhaitent éviter la passe de trois. Ils se présentent avec un esprit revanchard. La semaine 15 a tranché à propos du titre de division et par extension du privilège de recevoir en janvier. De plus, la réception salvatrice de Santonio HOLMES a fait couler énormément d’encre. Grâce au périple fructueux au M&T Bank Stadium et une victoire sur les Browns, les siens balayent l’AFC North et bénéficient d’une deuxième bye. Par contre, ils ne valident qu’un avantage du terrain partiel en chutant chez les Titans, à qui ils abandonnent la tête de série suprême. Échec anecdotique, car en les éliminant en Divisional, les Ravens exportent l’AFC Championship en Pennsylvanie. Avant d’en arriver là, les pensionnaires du Maryland bouclent leur saison régulière avec deux succès primordiaux. Spécialement celui à Dallas, chez des Cowboys favoris et en quête d’une Wild Card eux aussi. Avec un bilan de 11-5, les violets se qualifient in extremis. Ils décrochent le dernier ticket au tiebreaker aux dépens des Patriots. Onze victoires n’ont jamais dispensé personne de playoffs à part les Broncos 1985 et eux (bilans des participants au NFC Championship : 9-7 et 9-6-1 !).

Les campagnes respectives sont placées sous le signe de la revanche. Steelers et Ravens se frottent à des obstacles familiers. Pittsburgh confirme contre San Diego en Divisional. Baltimore confirme à Miami en Wild Card et se venge dans le Tennessee en Divisional, sur le score inverse de la semaine 5, non sans controverses. Ed REED et ses comparses sont accusés d’avoir volontairement blessé le running back Chris JOHNSON, inarrêtable avant sa sortie. De plus, un grossier retard de jeu non signalé sur une troisième tentative déterminante entache la série de la gagne.
Place désormais à d’autres retrouvailles. Les Steelers n’ont plus remporté une finale de conférence chez eux depuis 1995, ils restent sur trois désillusions. Les Ravens enchaînent leur troisième excursion, chez quelqu’un qui possède l’ascendant psychologique. Touché au mollet droit, Troy POLAMALU est limité toute la semaine aux entraînements et apparaît prudent à l’échauffement. Le voyage au LP Field laisse des traces. Blessé à l’épaule au cours d’un sack sur Kerry COLLINS, Terrell SUGGS quitte ses acolytes à cinq minutes de la pause. Il est quand même présent. Samari ROLLE n’a pas cette veine. Il est inactif en raison d’une blessure à l’aine contractée milieu du troisième quart-temps.

La défense gagne les titres paraît-il. Ça tombe bien : le trophée Lamar HUNT ne demande qu'à être brandi.

            Une Soirée en Enfer

Il s’agit de gonfler les muscles donc à la présentation, les locaux introduisent les LeBEAU’s Eleven. Comme en semaine 4, le coup d’envoi donne le ton. Un bloc viril sonne le special teamer Daren STONE, à tel point qu’il se dirige vers le mauvais banc quand il se relève. Comme en semaine 4, les Steelers capitalisent immédiatement. Contrairement à la phase régulière, les Ravens ne répondent pas instantanément. Pittsburgh domine.

Q1, 0:43, 4th&1, PIT 34, ballon Ravens, 6-0 Steelers. Troy POLAMALU réalise le premier de ses deux jeux signatures. Il bondit par-dessus la ligne de scrimmage pour endiguer un quarterback sneak. Avec le soutien de ses coéquipiers, ils repoussent l’assaut. Baltimore hérite d’un spot désavantageux. Qu’importe, les ralentis montrent que le ballon n’a pas assez progressé. Portés par l’euphorie, Big Ben et Santonio HOLMES surenchérissent avec un touchdown de 65 yards. Les Ravens sont dans le trou : largement distancés, à l’extérieur, face à une muraille n’ayant pas accordé de première tentative en quatre passages. 13-0 Steelers.

Les hôtes laissent passer l’orage. En embuscade et au contact, ils s’accrochent. À partir du deuxième quart, ils resserrent les lignes. Ils n’autorisent quasiment plus rien jusqu’à la fin : 121 yards en 8 drives, pour 1 field goal, 6 punts et 1 stop d’avant mi-temps. L’attaque stagne toujours mais profite des terrains courts pour recoller. 7-13 puis 14-16. Le doute et l’angoisse s’emparent de l’enceinte. Les propriétaires des lieux n’avancent plus. Pire, l’avance fond : de +13 à +6, puis de +9 à +2 avec 9:29 à jouer dans le quatrième quart.

Dans la foulée d’un nouveau three-and-out, les Ravens obtiennent la possibilité de mener. Contrairement à la semaine 15, c’est Joe FLACCO qui a toute latitude pour écrire la conclusion. Parviendra-t-il à imiter son homologue ? Le scénario catastrophe se précise pour Pittsburgh. Une perspective éphémère écartée par le Steel Curtain 2. Le froid, le bruit, le Big Game dans le viseur, le stress… Trop de choses à assumer pour un seul homme, trop de choses à assumer pour un bleu. Un sack de LaMarr WOODLEY en deuxième-et-8 entraîne une situation de passe évidente. L’heure pour les superstars de libérer l’assistance.
Q4, 4:39, 3rd&13, BAL 34, ballon Ravens, 16-14 Steelers. Une pression de James HARRISON dérègle la mécanique d’un lancer en direction d’un tracé out. Moment choisi par Troy POLAMALU pour son deuxième jeu signature. En sentinelle chargée de suivre les yeux du lanceur, il réagit rapidement et coupe la trajectoire. Si rapidement qu’il s’apprête à dépasser le ballon. Il saute et se grandit au maximum. Emporté par son élan, il se contorsionne pour se resituer, intercepte dans sa volte et retrouve ses appuis dos au jeu. Aussitôt, il reprend ses repères, aperçoit une ligne de course, évite la meute à sa poursuite, traverse le terrain dans sa largeur et achève sa folle chevauchée dans l’en-but 40 yards plus loin. Le numéro 43 vient semble-t-il d’assener le coup fatal, au moyen d’une action REEDesque. Un parallèle que ne manque pas d’évoquer le journaliste Jim NANTZ, promptement nuancé par le consultant Phil SIMMS.
« Il a dû penser au banc de Baltimore et se dire : « Hé Ed REED, tu n’es pas l’unique capable de zigzaguer et de rejoindre l’en-but ».
– Le contraste étant qu’Ed REED affronte un quarterback aguerri et Troy POLAMALU un novice.
– On a déjà vu le Raven faire ça tellement souvent : intercepter et déceler l’ouverture. »

23-14 Steelers.

Baltimore a besoin d’un miracle. Il n’arrive pas.
Q4, 3:39, 2nd&6, BAL 27, ballon Ravens, 23-14 Steelers. Joe FLACCO se connecte avec Willis McGAHEE sur un checkdown. À peine deux pas pour se retourner que Ryan CLARK se dresse sur son chemin, dans un angle mort. Lancé à grande vitesse, le free safety percute licitement le running back de plein fouet et provoque un fumble dont s’empare Lawrence TIMMONS. L’impact est d’une telle violence qu’il les met KO. Les soigneurs accourent. Les bancs pénètrent sur la pelouse pour apporter leur soutien. Plus question de maillots différents, ressentiment, inimitié…, uniquement d’inquiétude commune puisque deux personnes gisent au sol, dont l’une dans un état inconnu. Les prières genou à terre se multiplient. Ryan CLARK se relève péniblement, il est escorté vers son camp l’esprit ailleurs. Willis McGAHEE demeure allongé. Soulagement : il bouge ses bras et ses jambes. Après avoir reçu l’attention des staffs médicaux, il est évacué sur civière sous les acclamations et les mots d’encouragement.

Le football reprend ses droits. Pas pour longtemps. Au dernier three-and-out forcé par les Ravens succède une troisième interception fatidique. Clean sweep complété. Au terme d’un match physique, de haut niveau et de qualité tout du long, exceptionnel d’intensité et de dramaturgie, Pittsburgh cimente son statut de bête noire de Baltimore en 2008. 23-14, score final.

L’ultime volet de la trilogie se conforme aux précédents : hargneux, tendu, brutal. Le tout dans le froid polaire avec, cerise sur le gâteau, la neige. Les commentateurs ne s'y trompent pas lorsqu'ils en réclament, cet ingrédient étant alors absent et apte à rendre encore plus dantesque un duel d'une telle magnitude. Une pure folie dont seule l'AFC North a(vait) le secret. La quintessence du style smash mouth. Deux équipes coincées dans une époque qui évacue peu à peu rugosité, intimidation et où les attaques s’accaparent progressivement le pouvoir, qui jouent pourtant comme si c'était encore les années 70. Avec les règles 2016, éjections, amendes et suspensions auraient fusé. Cette finale de conférence accouche d’un nouveau clash défensif phénoménal avec des interprètes presque tous au sommet de leur art. Basiquement, elle a statué sur quel groupe accèderait à la postérité au préjudice de l'autre. Les noirs et jaunes réécrivent les annales au détriment de leur victime. Le 1er février, ils fondent Sixburgh et Mike TOMLIN devient le plus jeune entraîneur titré.

 

 

CLAP DE FIN

Comme en 2000, la division se transforme en salle obscure dédiée à l’affrontement entre deux défenses pour l’histoire. Comme en 2000, la lutte se transpose en playoffs, avec un troisième acte décisif pour le legs de chacune. Comme en 2000, le vainqueur soulève ultérieurement le trophée LOMBARDI. Contrairement à 2000, les Ravens se tiennent du mauvais côté du pick six rédhibitoire. 13-3 contre le restant de la NFL, 0-3 contre les Steelers. Le sweep conditionne la réception de l'AFC Championship, tandis que le clean sweep propulse son auteur vers la gloire. La machine de Rex RYAN se démarque par sa capacité à faire fructifier les nombreux ballons glanés. Pendant leurs confrontations, celle de Dick LeBEAU s’avère la plus prolifique. Les Ravens, rois des points attendusPoints attendus
Statistique avancée de Pro Football Reference. Exprime les points générés par chaque entité (défense, attaque, unités spéciales) en fonction de la tentative, de la distance jusqu'à l'en-but, de la position sur le terrain et du résultat du jeu. Chaque jeu donne lieu à un chiffre allant de -7 (touchdown concédé) à +7 (touchdown marqué). L'addition du résultat de chaque jeu donne la contribution sur le match. L'addition de chaque match donne la contribution sur la saison. Une valeur positive indique que l’entité prend l'ascendant sur son vis-à-vis. Une valeur négative indique que le vis-à-vis prend l'ascendant sur l’entité. Le nombre indique l'ampleur de cet ascendant.Disponible de 1995 à maintenant.
, sont également surclassés dans ce domaine de prédilection.
Sacrés Steelers, le destin fait bien les choses. Ils terminent la phase régulière à 12-4. Les revers ? Eagles en semaine 3, éliminés par Arizona en NFC Championship ; Giants en semaine 8, éliminés par Philadelphie en NFC Divisional ; Colts en semaine 10, éliminés par San Diego en AFC Wild Card ; Titans en semaine 16, éliminés par Baltimore en AFC Divisional. Autrement dit, on leur dégage carrément la route. Les match-ups défavorables sont évincés un à un, ne laissant plus que des adversaires sur mesure et/ou de calibre inférieur sur le papier.

Conformément au traitement dévolu aux sagas à succès, la trilogie 2008 fait l’objet de déclinaisons. Trois exactement : un remake, un autre avorté et un reboot.
2010 > Atmosphère particulière et implications sont à nouveau d’actualité durant le Sunday Night Football en semaine 13. La belle a lieu un tour plus tôt ; elle détermine indirectement le représentant AFC au Super Bowl. Hormis ces aspects, l’emballage se révèle légèrement moins exaltant. Ben ROETHLISBERGER rate l’aller, la mouture de Greg MATTISON est moins forte et le score du Divisional grimpe.
2011 > L’Âge d’Or touche à sa fin. Les deux équipes profitent des lueurs vacillantes de leur dynastie défensive. Baltimore tient son sweep et venge en partie 2008. Hélas, l’élimination précoce de Pittsburgh en Wild Card annule de potentielles retrouvailles en Championship, privant ainsi les Ravens d’une chance de vengeance totale.
2014 > L’Âge d’Or et l’éminence défensive paraissent déjà loin. Nombre de cadres ne sont plus présents, la mentalité offensive est maintenant de rigueur. Le charme s’estompe. Au programme : blowouts et scores fleuves. Le troisième round se déroule en Wild Card, preuve que les participants n’occupent plus une place prépondérante sur l’échiquier. Par ailleurs, contrairement aux trilogies 2008 et 2010, le rescapé n’atteint pas la grand-messe du football américain.
À l’image de la plupart des œuvres réexploitées et/ou revisitées, l’original conserve la faveur des puristes.

Quoi qu'il en soit. La rivalité Steelers-Ravens n'a plus vraiment le même goût et les rencontres ne sont plus autant prisées (à l’exception notable du classique instantané de dimanche dernier) parce que ces écuries offrent des joutes mémorables du temps de leur splendeur. Spécifiquement en 2008 à travers trois thrillers haletants. Une Guerre des Étoiles livrée il n’y a pas bien longtemps, entre deux défenses d’une galaxie lointaine, très lointaine…

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 J'aime penser que mes plus gros hits sont à la limite de l'agression avec violence.  – Jack Tatum

En VO :  I like to believe that my best hits border on felonious assault. 

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