Interview de Jon Willey des Miami DolphinsJury de notre concours "Photographe de l'année 2016"

Jon Willey photographe des Dolphins
Jon Willey photographe des Dolphins
le 30/05/2016 à 23:19 par Thomas Savoja

Alors qu'il vous reste jusqu'au 13 Juin minuit pour participer à notre concours photo organisé en partenariat avec la FFFA (voir le réglement ici), nous vous proposons de faire plus ample connaissance avec l'un des éminent membre de notre Jury 2016.

Pour ce faire, prenons la direction de Miami, son soleil, ses plages et bien sur ses Dolphins. Jon Willey est Directeur de la photo au sein de la franchise Floridienne dont il a largement contribué à dynamiser l'image à travers une approche innovante sur les réseaux sociaux. Il a accepté de répondre à nos questions et à distiller de précieux conseils à ceux qui s’adonnent à la photo de Foot US. A lire sans modération !

 

Sky
Sky (Jon Willey, Miami Dolphins)
Footballamericain.com : Jon, pour débuter un grand merci d’avoir accepté de faire partie du Jury 2016 de notre concours Photo. Les photographes Français qui couvrent nos championnats hexagonaux vont être extrêmement honorés d’avoir l’œil d’un professionnel NFL posé sur leurs travaux. Pouvez-vous nous dire quelques mots en guise d’introduction sur votre expérience globale en ce qui concerne la photographie de Sport et de Football en particulier ?

Jon Willey : Merci Thomas ! C’est super de collaborer avec vous sur ce concours et je suis très excité à l’idée de découvrir le travail que les photographes Français vont produire cette année. Pour ma part, cela fait désormais deux ans que je couvre la NFL aux Miami Dolphins. Je viens du monde du Baseball et plus particulièrement de la Franchise des Arizona Diamondbacks où j’ai évolué en tant que photographe officiel durant 8 saisons ce qui m’a permis d’acquérir une solide expérience terrain dans le monde de la photo de sport. Cela a été un sacré parcours pour moi pour en arriver là et j’ai le fait de pouvoir shooter les Dolphins de Miami a complètement changé mon processus photographique. On m’a donné comme mission de me fondre dans l’équipe et de raconter l’histoire des Miami Dolphins au quotidien. Comme vous pouvez le constater sur nos comptes Instagram ou Twitter, c’est vraiment cet esprit d’immersion que l’on pousse au jour le jour. Moi et mon équipe de photographes, de directeurs artistiques et de designers, assisté de notre directeur de la création Surf Melendez, nous accompagnons l’équipe dans chacun de ses pas au quotidien pour retranscrire son histoire de l'intérieur.

 

Smoke
Smoke (Jon Willey, Miami Dolphins)
FA.com : Selon vous, quelles sont les principales qualités requises pour devenir un bon photographe de Football ?

JW : Je dirais simplement le sens de l’observation. Il faut prendre le temps de se familiariser avec son environnement et avec ses sujets. Il faut essayer de comprendre ce qui les motive et pourquoi ils font ce qu’ils font. Cette observation subtile vous permettra de devenir une partie intégrante de leur environnement qu’ils soient sur le terrain, dans le vestiaire ou dans l’avion avec l’équipe. Veuillez noter que je ne mentionne pas ici l’équipement, le niveau d’accréditation et l’entrainement comme des éléments décisifs. Tout cela parce que j’ai la conviction que vous pouvez produire des images de haut niveau pouvant rivaliser avec des clichés NFL en traitant par exemple du Foot amateur ou des équipes de jeunes.

Lorsque vous serez capable de prendre assez de recul sur l'évènement pour ne pas vous précipiter en fin de match à shooter les images classiques des coaches qui se congratulent après une victoire et que vous réaliserez que si vous vous écartez un peu de la masse des autres photographes, vous trouverez des expressions de joies beaucoup plus photogéniques sur les visages des Rookies sortant du terrain ou sur ceux des vétérans qui dans l’agonie de la défaite comprennent que c’en est fini pour eux. C’est cela qui pour moi fera de vous un bon photographe.

 

FA.com : Pour vous, quelle est la différence principale entre shooter une rencontre NFL et une rencontre de College ?

JW : Honnêtement il y a très peu de différences de mon point de vu autre que des embouteillages plus intenses sur les bords de terrains NCAA ! A part cela c’est très similaire comme exercice. Les joueurs de DIV I joueront pour un certain nombre d’entre eux quelques mois plus tard en NFL donc le rythme de jeu est finalement assez comparable.

 

Rage
Rage (Jon Willey, Miami Dolphins)
FA.com : Quel est le joueur le plus photogénique que vous ayez shooté dans votre carrière ?

JW : Sans le moindre doute c'est Cameron Wake ! Faites une rapide recherche Google sur son nom et vous verrez de superbes clichés de ses célébrations de sacks notamment. Ses entrées sur le terrain sont également assez mémorables et surtout l’occasion de photos fantastiques !

 

FA.com : Quelle serait pour vous la photo de Football idéale, celle dont vous avez toujours rêvé mais que vous n’avez jamais pu réaliser ?

JW : Honnêtement pour moi ce serait une photo prise de la ligne des 50 yards au dessus des deux lignes se faisant face. Voilà ce que serait ma photo de rêve. J’espère vraiment pouvoir obtenir un jour l’accès aux plafonds de l’un de ces stades indoors pour pouvoir y poser un appareil déclenchable à distance. J’ai déjà pratiqué cette approche à plusieurs reprises  en Baseball et cela donne un résultat tellement fantastique et différent. C’est quelque chose que l’œil n’a pas l’occasion de voir de façon habituelle.

 

FA.com : Quel est votre stade favori pour shooter du Football et quel est votre plus grand souvenir sur un terrain de football en tant que photographe ?

JW : Je n’ai pas vraiment de stade favori. J’aime regarder chaque enceinte comme un nouveau canevas me permettant de faire des photos en son sein. Les San Diego Chargers ont pour le moment l’un des stades les plus anciens mais c’est pourtant là que j’ai réalisé certains de mes clichés les plus réussis. La lumière est aussi un facteur clé. Les murs peu élevés du Soldier Field à Chicago et du stade des  Eagles à Philly permettent parfois à d’incroyables rayons de soleil de perçer jusqu’à la pelouse le dimanche matin. Mes plus beaux souvenirs ? Hmmmm … Je dirais que ce fut mon premier match à domicile au Sun Life Stadium en 2014 lorsque nous avons battu les Patriots. C’était une super façon de débuter la saison et je me souviens avoir fait de superbes clichés en cette journée particulière.

 

Gang Tackle
Gang Tackle (Jon Willey, Miami Dolphins)
FA.com : De nombreux photographes campent derrière la « end zone » avec un puissant téléobjectif mais indépendamment de toute contrainte d’assignation, quel positionnement sur le terrain privilégiez vous pour réaliser les plus belles photos ?

JW : La meilleure position sur un terrain de Football est la position où vous vous trouvez. Je me souviens avoir discuté avec Robert Beck et John Biever de Sports Illustrated lorsque j’étais au début de ma carrière et ils me disaient d’essayer de me démarquer en termes de positionnement par rapport à la masse des autres photographes. Vous savez que toutes les agences photos vont finalement produire des clichés très similaires si leurs photographes sont tous positionnés au même endroit. Ce simple conseil a beaucoup aidé à modeler ma carrière et mon style photographique.

Donc, lorsque je dois couvrir un match de Football à l’extérieur, je vais commencer par me planter dans les coins externes de la end-zone lorsque mon équipe est en attaque. Ainsi, je serais assuré d’obtenir des clichés avec le ballon et les visages. Lorsque nous sommes à domicile, je couvre l’ensemble des angles du terrain avec mon staff de 6 personnes. Il m’arrive également de monter dans les tribunes là ou se trouvent les caméras et de shooter de cette position. Vos chances d’obtenir des images originales montent ainsi en flèche.

 

Hair
Hair (Jon Willey, Miami Dolphins)
FA.com : Si vous aviez le choix pour vous concentrer sur une position spécifique que ce soit en attaque ou en défense, lesquelles choisiriez vous pour réaliser une bonne photo ?

JW : Il y a deux théories que j’applique dans ce type de situation. Si je m’intéresse à l’action en général, au début de celle-ci, je suis presque toujours focalisé sur le QBQuarterback
c'est le stratège de l'équipe. Il décide des tactiques avec ses coachs. Il est chargé de transmettre la balle à ses coureurs et de distiller les passes à ses receveurs.
. Je lis dans ses yeux et j’essaie de suivre l’action telle que je la pressens. En fonction de la tentative et du nombre de yards restants, je fais des hypothèses sur ce qui va suivre. Evidemment que si c’est une passe courte et rapide, il y a pas mal de chance que je passe à côté, mais si c’est une course ou une passe longue, c’est plus facile de garantir une photo réussie si je reste concentré sur le QB.

La seconde théorie est de suivre un joueur en particulier notamment parce qu’il est sur le point de battre un record ou de réaliser une grosse perf statistique. C’est assez rare mais par exemple lorsque Jarvis Landry s’est approché de 100 réceptions dans la saison, je n’ai cessé de le quitter des yeux à partir de sa 98ème réception. J’avais mon objectif braqué sur lui en permanence lorsqu’il était sur le terrain. C’est ainsi que vous avez le plus de chance de réaliser le cliché historique qui fera votre réputation.

 

FA.com: Dans la photo de sport, le matériel est crucial. Quel est votre combinaison favorite de boitier et d’objectif pour le Football ?

JW : Je couvre chaque rencontre avec 4 appareils phots. J’ai toujours un assistant avec moi ce qui aide pas mal. Mon package de base est le Nikon D4s (je viens de recevoir 2 Nikon D5 et j’ai hâte de les essayer) avec un 200-400 F4. J’utilise cette combinaison pour 85% de mes prises lorsque l’équipe attaque en face de moi. S’ils sont vraiment loin alors j’utilise un 600mm mais dès qu’ils franchissent la ligne médiane, je reviens au 200-400. Il m’arrive rarement d’utiliser un super grand angle pendant le match mais j’en ai toujours un sur moi pour faire des plans larges du stade, des couchés de soleil ou des feux d’artifice. J’utilise également ce grand angle dans l’avant match.

 

Eyes
Eyes (Jon Willey, Miami Dolphins)
FA.com : Parlons de votre batch de post traitement, quel logiciel utilisez vous et quels sont vos principales étapes ?

JW : Ma stratégie de post traitement a significativement évolué depuis que je suis arrivé aux Dolphins. Pendant les matchs, nous avons des préposés aux cartes mémoires qui viennent les récupérer au fil de l’eau avec les images que nous avons sélectionnées qui sont protégées via notre appareil. Ils les déposent ensuite auprès d’éditeurs qui se trouvent en salle photo et qui utilisent Photomechanic pour les ingérer et les trier avant de les envoyer immédiatement dans Adobe Lightroom.

On applique alors un traitement propriétaire que j’ai développé il y a quelques années. Il permet de mieux faire ressortir les détails et de rendre les images plus douces. Ensuite on applique des ajustements spécifiques sur l’exposition des zones claires et foncées ainsi que des ajustements colorimétriques lorsque la balance de blanc automatique n’a pas bien fait son travail. Les images sont alors recadrées au format des médias sociaux 16x9 et 1x1 et notre marque est appliquée dessus avant de les exporter via Dropbox pour les utiliser sur les médias sociaux. Le processus dans sa globalité prend de 5 à 10 minutes depuis le moment ou la photo a été prise.

Lorsque le match est terminé, j’ingère l’ensemble des images sur mon disque dur et je les édite afin d’arriver un nombre raisonnable de clichés représentant les images les plus intéressantes de la rencontre. J’archive ensuite les originaux. Par contre, aucune image ne sera utilisée sans que nous n’ayons appliqué au préalable le traitement propriétaire dont je vous ai parlé. Une fois que c’est fait, je posterais quelques unes de mes photos favorites sur mon comte Instagram.

 

FA.com : Pour clore l’interview, pouvez vous donner 3 conseils aux photographes français pour améliorer leur productions en sachant que les stades français ne proposent pas les mêmes arrières plans qu’en NFL !

JW : Indépendamment des problèmes d’arrière plan et de lumière, voici mon Top 3 en termes de conseils photos :

Photos
Photos (Jon Willey, Miami Dolphins)

  1. Toujours, toujours, toujours se rappeler qu’il est important de photographier les moments « entre deux ». Je fais ici référence aux moments où l’action n’a pas encore débuté. Je trouve que c’est souvent juste avant ou juste après une action ainsi qu'au cours de l'avant et de l'après match que l’on peut faire les photos les plus fortes en termes de « story telling ». Utilisez également la faible lumière pour vous challenger. Essayez de tirer avantage du grain que cela provoque si vous transformez ces images en noir et blanc. Je pouvez ainsi jouer sur le côté rétro de ce type d'image.
  2. Si possible, investissez dans un appareil capable de gérer des lumières basses en montant en ISO. De façon surprenante ils deviennent plus abordables ces derniers termps. La gamme Sony Alpha par exemple est capable de gérer des situations de photos sportive et c'est l'un des meilleurs appareils en condition de lumière basse. Le nouveau D500 de Nikon coûte deux fois moins cher que le D5 mais shoote aussi rapidement en terme d'images par seconde ! Regardez donc ce type d'option si vous êtes amené à investir. Faites aussi de votre mieux pour travailler avec un objectif qui compresse l'image autant que possible. Si vous shootez en pleine ouverture à 2.8 ou 4 avec un téléobjectif, cela vous permettra de flouter l'arrière plan et d'éviter ainsi de distraire l’œil.
  3. Dernier conseil shooter depuis un endroit où personne ne se trouve. Essayez de trouver de nouveaux angles. Si vous voulez nettoyer vos arrière plan, shootez par exemple depuis une position élevée. Si vous voulez raconter l'histoire d'une rencontre, passez quelques minutes lors de chaque quart-temps derrière les deux équipes ou juste à côté des bancs pour réaliser des clichés plein d'émotion avec votre téléobjectif. Ainsi, vous augmenterez la résonance de vos clichés et cela donnera une perspective unique à la rencontre que d'autres ne sauront pas capturer.
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 Hier, j'étais un quarterback noir qui se trouvait être un bon quaterback. Aujourd'hui, je suis un bon quarterback qui se trouve être noir.  – Doug Williams, QB des Redskins, le lendemain de sa victoire lors du Super Bowl XXII.

En VO :  Yesterday, I was a black quarterback who happens to be good. Today, I'm a good quarterback who happens to be black. 

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