Marc Trestman, un maitre zen sur siège éjectableCorn Belt Football Tour – Saison 6 Episode 7

Marc Trestman
Marc Trestman
le 28/11/2014 à 06:00 par Thomas Savoja

JOLIET, Illinois - Quelle journée riche mais éprouvante ! Après avoir été le témoin privilégié de la rencontre de Thanksgiving entre les Lions et les Bears, me voici sur les rives du Lac Michigan dans un Hôtel Casino à Joliet dans la banlieue de Chicago. La route a été difficile notamment à cause de quelques tempêtes de neige très localisées qui ont transformé l'Interstate en véritable patinoire. A l’approche de Windy City et après avoir assisté à la triste performance des Bears, j’ai souhaité me pencher sur le parcours d’un personnage atypique du paysage NFL, le Head Coach de cette équipe de Chicago Marc Trestman.

Marc Trestman
Marc Trestman (Thomas Savoja, FA.com)

Animateur de Bar Mitzvah

Quelle étonnante trajectoire que celle de ce gamin du Midwest ! Celui qui s’était forgé adolescent une solide réputation d’animateur de Bar Mitzvah dans son Minnesota natal entame sa seconde saison à la tête des Chicago Bears. Force est de constater que les débuts prometteurs sont déjà loin si j’en crois les dernières unes du Chicago Tribune que je feuillette en prenant mon petit déjeuner dans une Cafétéria de la ville. La déroute à Green Bay a été particulièrement destructrice pour lui et même si l’équipe à réagit il y a deux semaines face aux Vikings, la Franchise de l’Illinois est bel et bien en état de crise.

Alors que son heure semble compter s’il ne redresse pas la barre dans les derniers matchs de la saison, j’ai voulu revenir sur Trestman et son parcours. Son sens aigu du détail, son intérêt pour la physique et la philosophie en font de toute évidence un personnage attachant. Lui qui incite chacun à vivre pleinement chaque moment est toujours prêt à donner sans rien attendre de retour. Chose peu commune, voilà un coach qui a l’habitude d’envoyer des SMS à ses joueurs pour demander des nouvelles de leur famille. Nous avons donc à faire à un homme attachant mais pudique qui rechigne à parler de lui-même.

Des heures de vol

À 58 ans, Trestman a pourtant derrière lui une longue carrière d’entraîneur de Football passée essentiellement dans la NFL mais aussi dans des Colleges de premier plan et dans la Ligue Canadienne de Football. 

Thomas Savoja
Thomas Savoja (AP)
La carrière d’un coach est loin d’être un long fleuve tranquille on le sait bien. Ce n’est certainement pas une fonction où règne la méritocratie ce qui rend la tâche encore plus ardue pour des profils comme Trestman, avides d’absolu. Car ce qui caractérise notre homme c’est avant tout son attention au détail, une attention presque obsessionnelle qui fait sa force mais exige beaucoup de lui - et de sa famille aussi.

Trestman a commencé sa carrière d'entraîneur pour le grand Howard Schnellenberger à l'Université de Miami. Il y travaillait déjà 18 heures par jour comme étudiant en droit tout en étant greffier d'un juge à ses heures perdues. A 52 ans, il a déjà œuvré sous les ordres de 17 entraîneurs en chef, vécu dans 10 villes et 11 maisons, et a été limogé à sept reprises, dont une fois lors de sa propre lune de miel ! Il a également passé trois ans « hors circuit » à vendre des obligations municipales.

Pour la petite histoire, Trestman réfute la rumeur affirmant qu’il se réveillait à 2h45 du matin juste pour arriver avant l'entraîneur Jon Gruden au bureau à Oakland à l’époque où il coachait aux Raiders. « On devait tous se lever tôt pour éviter les embouteillage » affirme-t-il sobrement.

Marc Trestman
Marc Trestman (Thomas Savoja, FA.com)

Socialement dysfonctionnel ?

Néanmoins, il existe des risques inhérents à la vie de coach, surtout quand on est un entraineur particulièrement doué. Dans son autobiographie, la femme de Trestman, Cindy, le décrit comme « solitaire », « anti- social» et même « socialement dysfonctionnel». Ces caractéristiques sont-elles compatibles avec les qualités d’un Head Coach ? Cela explique peut être que les choses aient parfois très mal tournées pour lui. C’est par exemple le cas en 2006 lorsqu’il est congédié avec tout le staff de North Carolina State.

Il a fallu que je fasse une introspection afin de savoir pourquoi certains des objectifs que je m’étais fixés étaient restés lettre morte concède-t-il à l’époque. Il s’est avéré que j’étais plus concentré sur moi-même que sur les autres et quand je faisais mon travail, je ne prenais pas assez de plaisir. J’ai découvert que lorsque vous vous concentrez sur les autres, que vous donnez aux autres et que vous le faite avec votre cœur : tout cela vous remplie positivement.

Montréal la transformation

Alors qu’il effectue du consulting pour les Saints en 2008, il atterri de façon presque fortuite à Montréal pour son premier job de Head Coach aux Alouettes. Il y gagnera une paire de Grey Cups mais au delà de ce succès sportif indéniable, ce sera pour lui une expérience profonde de transformation.

Je n’ai jamais vraiment pensé à mon avenir, ni où toute cette histoire me conduirait dit-il simplement. Je voulais juste faire le meilleur travail possible en apprenant à mes hommes de devenir de meilleurs leaders, de meilleurs pères, de meilleurs maris et de meilleur coéquipiers.

Et il ne dit pas cela pour faire bien. Qui d’autre aurait pu conseiller à l’un de ses joueurs d’aller tenter une carrière à Hollywood pour poursuivre son rêve de devenir acteur ? Et bien Trestman l’a fait ! On dit que coacher et faire preuve d’une trop grande empathie est souvent antinomique ou incompatible. Le coach doit décider, « couper » des joueurs qui ne sont souvent que des gamins. Il les verra se briser physiquement car le Football reste un sport brutal et exigeant. Il est donc périlleux dans ces conditions pour un coach de s’intéresser trop profondément et personnellement à ses joueurs.

Emery croit en lui

Son patron Phil Emery le General Manager des Bears enfonce pourtant le clou: C’est un bon gars et les bons gars finissent par gagner. Emery n’est pourtant pas un poète. Ancien Guard à Wayne State, il s’est débarrassé du populaire Lovie Smith et à laissé partir l’icône Brian Urlacher sans sourciller. Le choix du successeur de Smith n’était-t-il pas encore plus risqué ?

Thomas Savoja
Thomas Savoja (Getty)
Emery a débuté l’an dernier son long processus de sélection avec 19 candidats. Puis il en a interviewé 12 personnellement. Il a toujours eu Trestman dans le radar au grand damne de certains agents choqués par une telle perspective. Il faut dire que cela faisait 9 ans qu’il n’avait pas côtoyé la NFL. Et pour la plupart des General Managers, coacher 5 années au Canada, c’est un peu comme passer 5 ans sur la planète Mars !

Les Scouts eux, insistaient sur l’aptitude spéciale de Trestman à travailler avec les QBQuarterback
c'est le stratège de l'équipe. Il décide des tactiques avec ses coachs. Il est chargé de transmettre la balle à ses coureurs et de distiller les passes à ses receveurs.
mais aussi sur ses relations parfois difficiles avec les autres coachs. Tout cela c’est du passé, l’homme que j’ai choisi est différent. Son parcours et son honnêteté m’ont vraiment intrigué. J’ai compris sa frustration mais surtout ses aspirations en tant que coach et cela m’a plu !.

Emery est convaincu que la clé du succès d’une équipe réside dans l’entente entre le coach et son QB. Si Trestman a été capable de se transformer lui-même à ce point, il devrait être capable de transformer un QB certes bourré de talent mais à la réputation peu flatteuse à cause d’un comportement souvent trop inconsistant. Vous l’aurez compris, le QB dont on parle ici c’est Jay Cutler.

Trop d'empathie ?

La mayonnaise a plutôt bien pris l’an dernier puisque même si les Bears ont terminé la saison avec un bilan mitigé de 8-8 et manqué les Playoffs, Cutler a brillé plus qu’à l’accoutumée, surtout lors des premiers matchs d’ailleurs, réalisant l’une de ses meilleur saison d’un point de vu statistique.

Il connait le jeu par cœur, mais à ce niveau c’est le cas de la plupart des coachs dit de lui Cutler. Il est vraiment focalisé sur le fait que ses joueurs aillent bien lorsqu’ils quittent les bâtiments. Il est toujours en train de nous envoyer des SMS du genre : Qu’est ce que tu fais ? Comment tu vas? Comment va ta famille ? C’est un peu surprenant dans un contexte NFL où l’on est prêt à t’égorger dès que tu ne gagne plus ! C’est vraiment différent quand tu as un gars qui s’intéresse à toi en tant qu’individu et pas simplement en tant que joueur.

Le temps lui est désormais compté

Le style de Jay Cutler à également évolué sous l’influence de Marc Trestman puisqu’il écarte plus naturellement le jeu, distribuant plus largement ses offrandes au-delà du simple Brandon Marshall. Mais maintenant il va falloir gagner. Absolument gagner ! Sauf que l’adage de notre coach n’est il pas de donner sans rien attendre en retour? Difficile à mettre en œuvre dans ce monde orienté résultat. Il y a désormais urgence. D’autant que la machine semble s’être enrayée cette saison du côté des Bears et Trestman est un fusible idéal, tout comme Cutler dont les fans les plus virulents ont brulé son maillot après la déroute de Green Bay.

Le mentor de Trestman était le grand Bud Grant, celui qui a gagné 4 Grey Cup et emmené les Minnesota Vikings vers quatre Super Bowls. Grant était le genre de type capable d’arrêter un entrainement pour que ses joueurs puissent observer un papillon se posant sur la pelouse : une sorte de maitre Zen. Trestman aspirerait-il à devenir lui aussi le coach NFL le plus zen de sa génération ? Zen il devra en tous les cas l’être pour terminer cette saison 2014 dans de meilleures conditions et tenter de sauver sa tête.

Ce que j’ai appris et ce que j’essaie d’enseigner c’est que chaque moment est décisif.

Peu importe finalement que vous lanciez des passes de Touchdown ou que vous jouiez de la musique lors d’une Bar Mitzvah.

Marc, c’est maintenant : le moment, nous y sommes !

 

Quizz "Corn Belt Football Tour 2014" :

 Combien de fois Marc Trestman a-t-il déjà été limogé dans sa carrière ?

Les 3 premières bonnes réponses marquent 5, 3 et 1 point.

 

Un point sur le classement :

1. Minotaure#88 : 18 points

2. Ryujii : 10 points

3. Franck : 7 points

4. ESNAULT : 5 points

5. poutlouc : 5 point

6. xavier mas : 5 point

7. sytchev013 : 3 points

8. HL : 1 point

 

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 La force est importante. Mais la première chose est de connaître votre adversaire. Si vous le connaissez lui et ce qu'il aime faire, et que vous essayez de l'en empêcher, de le forcer à tenter autre chose, alors vous avez déjà remporté la moitié de la bataille.  – Jonathan Ogden

En VO :  Strength is important. But the number one thing is knowing your opponent. If you know your opponent and what they like to do, and you try to take that away from them, force them to another move, then that's half the battle right there. 

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